Celles d'avant (éditions Pays et Terroirs, 2018)

Dans notre culture, c'est le nom des hommes qui importe. Avec leur patronyme, ils transmettent leur patrimoine. Leur fils et leur propriété, c'est tout un. D'où cette crainte de l'adultère : le père doit être sûr que son fils est bien de son sang, de ses gènes. Sa lignée, ce sont ses enfants, mais c'est aussi la terre qu'il laboure et qu'il sème, et ses récoltes engrangées au grenier.

 

         Si les hommes habitent l'éternité, les femmes se situent dans l'impermanence. De leur côté, tout change à chaque génération. Elles perdent leur foyer, et aussi leur nom. Les lignées féminines sont donc difficiles à suivre : dans les vieux registres, pour peu qu'il manque un élément, c'est toute la chaîne qui s'interrompt.

 

Et pourtant, qui assure la vraie continuité ? Qui apporte la souffrance de sa chair, la tiédeur de son lait, le parler des premiers ans ?

 

C'est en essayant de reconstituer ma lignée féminine que j'ai eu l'idée de ce livre. Ces femmes connues de moi, puis évoquées par des proches, puis réduites à des noms, puis anonymes, il me semble qu'elles méritent un peu d'attention. Ce sont mes aïeules ; et très vite, ce sont les vôtres.